Sicile souterraine – Sous les pas du voyageur, la Sicile cache un autre monde. Invisible au regard distrait, silencieuse même lorsque la surface bourdonne de vie, cette Sicile souterraine est aussi ancienne que l’île elle-même. Elle se dévoile en fragments : derrière une porte de fer, au bout d’un escalier dissimulé, ou guidé par une lampe torche dans l’obscurité. C’est une île sous l’île, faite de tombes, de tunnels, de cryptes, d’aqueducs et de refuges. Un récit parallèle, taillé dans la pierre.
La Sicile est une terre façonnée par l’homme. Ses roches tendres – grès, tufs, basaltes – ont permis aux Grecs, Romains, Arabes, Byzantins et Normands de creuser la mémoire dans le sol. Ainsi sont nés des lieux secrets : nécropoles, sanctuaires, citernes, galeries de fuite. Tous portent les traces d’un lien profond entre l’homme et la terre.
À Syracuse, les catacombes de San Giovanni forment l’un des plus vastes réseaux du bassin méditerranéen. Couloirs infinis, niches funéraires, tombeaux antiques : la mémoire chrétienne y est palpable. Non loin, la grotte de Sainte-Lucie et la crypte de San Marciano complètent ce parcours spirituel et historique.
À Palerme, la crypte des Capucins laisse une impression troublante. Les corps momifiés de moines et de notables y sont exposés, figés dans le temps. Plus qu’une attraction macabre, c’est une archive sociale et religieuse.
À Catane, les coulées de lave de 1669 ont enseveli la ville antique, sans la détruire. Aujourd’hui, on explore ses thermes, ses amphithéâtres, ses aqueducs, et ses cryptes chrétiennes. Certains lieux sont visitables avec guides : Terme dell’Indirizzo, San Gaetano alle Grotte, ou grâce aux visites « Catane Souterraine », accessibles depuis le centre-ville.
Dans l’intérieur des terres, des lieux comme Pantalica (UNESCO), la Cava d’Ispica ou les qanāts de Palerme permettent de découvrir des mondes taillés dans la roche : tombes rupestres, villes creusées, canaux arabes encore actifs.
Explorer la Sicile souterraine, c’est descendre dans la mémoire de l’île, là où l’histoire se murmure dans l’obscurité, entre humidité, silence et pierre.